Du 10 au 13 juillet dernier se sont réunis à Brest plus de 400 acteurs de l'internet et du multimédia impliqués autour de l'accès public, de la politique de la ville, des médias et cultures numériques, des collectivités publiques, de l'économie sociale, de l'action sociale, des observatoires d'usages, de l'éducation. SolidaTech était présent à ce forum pour approfondir sa réflexion quant aux usages coopératifs qui existent mais qui restent encore à développer dans le monde associatif.

Le forum vu du dessus

 

Ce 5ème forum des usages
oopératif alliait sur trois jours :

  • des conférences qui cadrent des problématiques,
  • des sessions thématiques,
  • des rencontres professionnelles ouvertes,
  • des ateliers transverses qui font se croiser les publics,
  • des séances pratiques et animations découverte d'outils et usages...

Dans un mode de travail participatif
"tous acteurs" et convivial qui a fait le succès
des quatre premières éditions.

 

Le Off du Forum : rencontre entre acteurs du recyclage et du reconditionnement

Pour la première fois cette année, une journée supplémentaire était proposée en amont du forum, centrée sur les rencontres inter-réseaux. C'est ainsi que nous avons rejoint Brest le mardi 10 juillet en compagnie du Conseil Général des Deux-Sèvres, notre partenaire sur l'opération 5000 micros.

Lors de cette première journée nous avons donc eu l'occasion de rencontrer d'autres structures spécialisées dans le recyclage et le réemploi de matériel informatique, à travers le réseau Ordi 2.0. Il s'agissait d'échanger sur les opportunités qui peuvent favoriser le développement des activités des acteurs du secteur, et donc de la création d'emplois pour des publics en situation d'exclusion :

  • De nombreuses personnes manquent encore des moyens nécessaires pour accéder à des équipements informatiques neufs. L'exclusion numérique est encore plus importante chez les personnes à faibles revenus ou bien encore chez les séniors
  • Les associations, les écoles, les bibliothèques, en France et à l'étranger sont encore largement sous-équipées : matériels et logiciels obsolètes voire piratés, manque de connaissances des potentialités des outils...  et comme pour les personnes précaires ou les séniors, il existe un besoin important en matière d'accompagnement aux usages.
  • Pour tous ces publics, les équipements informatiques réemployés peuvent apporter uneréponse peu couteuse, solidaire et durable, en laissant notamment la possibilité de consacrer leur budget à la formation et l'accompagnement aux usages. Mais les acteurs du secteur continuent malgré tout de rencontrer certaines difficultés qui entravent leur développement :
    • La méconnaissance du secteur par les donateurs potentiels (entreprises, administrations et collectivités) qui choisissent le plus souvent de détruire leur matériel (recyclage) et non de favoriser leur réemploi à travers les filières de l'économie sociale et solidaire (SIAE, EA, ESAT, associations, etc.)
    • La concurrence des brokers (traders de matériel d'occasion) qui rachètent les parcs informatiques professionnels pour les revendre le plus souvent à l'export, sans aucune traçabilité ni création d'emplois.
    • Le contexte juridique et règlementaire qui entraîne de plus en plus de coûts connexes dus aux exigences en matières de qualité et de traçabilité (et c'est légitime), sans pour autant s'accompagner de soutiens financiers pour aider les structures de l'ESS à les atteindre.

Point très positif de cette demi-journée de rencontres : à travers le programme Ordi 2.0, l'Etat, les éco-organismes (Ecologic) et les grandes entreprises (ex: EDF) semblent prendre conscience de la nécessité d'un véritable assainissement de la filière pour assurer le développement et la pérennité des acteurs les plus performants sur le plan social.

Les autres rencontres de la journée concernaient quant à elles les réseaux suivants : Animfr (Réseau francophone des animateurs de projets collaboratifs), Dynamique West Web Valley (Rencontre des OpenCoffee Clubs bretons), les Wiki de territoires autour de la participation des habitants, les lieux de fabrication numérique et projets de Fablabs bretons (ou d'ailleurs), les Cantines numériques ou Tiers-lieux et enfin les Bibliothèques collaboratives. Bref, il y'en avait pour tous les gouts !

Ce que nous avons retenu du Forum

Trois ateliers ont attiré notre attention (malgré le programme gargantuesque proposée par le forum) : "les tiers-lieux, leviers d'innovation pour les territoires?", "la coopération en 25 mots-clés" et "la fabrication des données".

Quelques exemples de Tiers-lieux

1- Les tiers-lieux, leviers d'innovation pour les territoires ?

Nous étions particulièrement intéressés par cette approche car ces lieux vont presque systématiquement de paire avec le monde du numérique. Il y a souvent beaucoup d'idées à y glaner en matière d'usages innovants et beaucoup d'entre eux se sont même spécialisés dans l'entreprenariat social. Il y en aurait aujourd'hui une centaine en France.

Ce que nous en avons retenu :

  • Le dynamisme et la pérennité de ces lieux dépend avant tout de l'humain. Il est donc primordial de constituer d'abord une communauté d'usager qui deviendra le noyau dur, avant de trouver le lieu et les usages qui vont s'y développer.
  • En milieu urbain ces espaces regroupent principalement des auto-entrepreneurs, tandis qu'en territoire rural ils sont plutôt centrés sur l'attraction et le maintien de la population et ciblent donc des personnes en télétravail. En milieu rural il faut donc une plus forte valeur ajoutée pour attirer les travailleurs (et convaincre leurs employeurs).
  • Le principal intérêt des tiers-lieux est d'abord de favoriser les échanges, la collaboration entre les usagers ne venant que dans un deuxième temps, et pas toujours. Ces échanges se font de manière informelle, ils permettent d'accélérer des projets pour les faire émerger, mais tout cela est difficilement traçable/mesurable. Il est donc très difficile d'évaluer leur intérêt avec des résultats quantifiables, ce qui entraine des difficultés pour assurer une certaine pérennité aux financements publics, le plus souvent à l'origine de leur création.
  • Les FabLab sont plus particulièrement intéressant pour leur potentiel en matière "d'empowerment" (prise de confiance) et de "capacity building" (développement de capacités). Ces espaces sont de plus totalement inscrits dans une démarche d'éducation populaire puisqu'ils favorisent les échanges de savoir, l'apprentissage tout au long de la vie et enfin le lien social.

 

2- La coopération en 25 mots-clés

L'atelier commençait par la présentation d'un référentiel commun qui permet de retrouver les différents domaines et compétences dans lesquels des méthodes et outils sont proposés. Quels sont les concepts de base à connaitre pour animer un groupe, pour produire un document collaboratif, pour développer la coopération au sein d'une communauté ?

L'animateur de l'atelier a ainsi présenté succinctement les 13 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe et les 12 compétences à acquérir pour faciliter le développement de la coopération.

Ce que nous en avons retenu :

A travers le programme SolidaTech, nous sommes en train de constituer un véritable réseau informel sur la question du numérique dans le secteur associatif. Vous êtes aujourd'hui près de 3500 organisations inscrites dans notre programme, de toutes tailles, dans tous les secteurs d'activité et sur tout le territoire. Cet atelier nous a donc amené à nous poser la question suivante : que pourrions-nous faire émerger en collaborant avec vous tous ? Nous avons des pistes de réflexion, mais les vôtres nous intéressent beaucoup plus !

La soirée du deuxième jour était consacrée au 8ème Carrefour des Possibles, au sein duquel 10 porteurs de projets ont présenté à l'assemblée leur idée innovante d'usages des TIC. Au menu : crowdsourcing, réseau social territorial, un site et une application mobile pour éviter le gaspillage alimentaire, un tour du monde en vélo allongé connecté, un site et une application mobile qui détaille le contenu de ce que vous regarder à la télé, des outils de veille pour réduire sa consommation électrique, une puce qui ajoute de l'intelligence artificielle à votre PC, un réseau de distribution pour les FabLabs, un portail de jeux en ligne dédié aux programmeurs et enfin un robot qui relie monde réel et virtuel. 

 

3- La fabrication des données

Le mouvement opendata (données ouvertes) déferle en France au travers des initiatives publiques de territoires et de l’État. Aux USA, où le gouvernement a été l'un des premiers à réellement se lancer, on parle beaucoup des retombées économiques de la démarche. Vivek Kundra, premier responsable fédéral des systèmes d'informations dans l'administration Obama, observe effectivement que « la libération de ces données a donné naissance à une économie des applications […] on assiste à une explosion de ces communautés de développeurs ». Mais qu'en est-il des citoyens, des "non-geeks", et le secteur associatif a-t-il un intérêt dans la démarche ? Voici les questions que nous nous posions au moment d'aborder cet atelier.

Illustration de visualisation avec les données du budget de l'état

Ce que nous avons retenu :

  • Tout ce mouvement est bien évidemment encadré par une loi qui prévoit que chaque organisation publique ou privée délivrant un service public se doit de rendre public les données liées à ce service. Mais attention c'est là que ça se complique : il y a une différence entre donnée publique et donnée ouverte.
  • Une donnée se définie comme ouverte selon des critères techniques (elle doit être ré-exploitable donc en format numérique et si possible ouvert), juridique (elle est le plus souvent sous licence Creative Commons) et économique (elle doit être gratuite ou son coût d'export doit être marginal, de qq centimes d'euros). Il est également impératif que cette donnée ne touche pas à l'intégrité d'un individu. Elle est donc le plus souvent anonyme
  • Avant de se lancer dans l'interprétation des données il est important d'être encadré par des compétences en matière de statistiques car il est très facile de leur faire dire ce que l'on souhaite.
  • L'ouverture des données publiques peut permettre de faire émerger des initiatives citoyennes et de mobiliser les publics sur des questions de société. Retravailler ces données pour les visualiser de manière esthétique permet de mettre en avant des indicateurs qui ne ressortiraient pas nécessairement dans leur format d'origine (tableau par exemple).
  • Les associations feraient bien de s'emparer du sujet pour interpeler les pouvoirs publics, soit avec leurs propres données, soit avec celles qui touchent aux politiques publiques et qui sont déjà disponible. Elles devraient également pousser dans le sens d'une plus grande ouverture de certaines données, toujours pas ouvertes notamment au niveau des politiques locales.

En marge de tous ces ateliers, le Forum nous a permis de rencontrer une grande diversité d'acteurs, publics, associatifs, privés, de confronter nos points de vue, de poser les bases de futurs partenariats, mais aussi de nous cultiver en prenant conscience de toutes les forces vives qui pensent comme nous que les outils numériques, utilisés à bon escient, sont des outils de transformation sociale.  

En savoir plus :