Bonjour Régis, peux-tu nous présenter BUG, l’association dans laquelle tu évolues ?
BUG c’est une association rennaise dont le principal objectif est la lutte contre l’exclusion numérique par le développement des usages de différents publics prioritaires, à savoir les associations, le tiers secteur, les collectivités ou les structures portant des projets à vocation citoyenne, coopérative ou solidaire.
Cela nous fait pas mal de points communs ! Et que mettez-vous en œuvre concrètement pour atteindre cet objectif ?
On fait d’abord profiter à ces publics des compétences de l’association en matière de sites internet, de graphisme et PAO, d’édition et de journalisme… bref tout ce qui touche à la communication multimédia, à l’innovation. On offre également un service d'impression offset à des tarifs solidaires pour les assos rennaises, mais on propose aussi des formations professionnelle et initiale sur Wordpress, les réseaux sociaux, la promotion et le référencement et plus généralement la stratégie de communication.
Ensuite on développe des projets spécifiques pour expérimenter des organisations économiques et sociales alternatives, comme La Ruche par exemple, le Lab Fab*, le Wiki-Rennes*, le Jardin des Savoirs* ou encore des trucs plus évènementiels comme le SMS Wall* qu’on avait développé avec la ville de Rennes pendant les Transmusicales 2010.
Peux-tu justement nous en dire plus sur La Ruche, projet dont tu es le coordinateur et le community manager* ?
La Ruche c’est un réseau social local non commercial, non institutionnel, proche des gens et qui protège les données de ses utilisateurs. BUG l’a développé en interne et sur fonds propres dans un objectif de mise en relation de personnes sur un territoire et de partage de compétences. Là-encore on est centrés sur Rennes, comme la grande majorité des projets portés par l’asso, mais c’est exactement pour ça que le projet est intéressant parce qu’il permet de voir le web plus local et non comme un outil de communication et mise en réseau global (voire globalisée) dont la vision nous paraît périmée.
Mais pourquoi avoir voulu développer un nouvel outil plutôt que de créer un groupe local dans un réseau comme Facebook par exemple ?
Déjà, il faut savoir que l’idée de la Ruche est venue en 2006. En France à l’époque, Facebook et Twitter n’étaient connus que par les « geeks hyperconnectés » ! On était donc bien avant le boom des réseaux sociaux mais on avait déjà vu l’intérêt de leurs fonctionnalités depuis 2001 dans le cadre du projet Patrimeau, avec le développement de Geko, une plateforme de partage d’outils, de matériel et de compétences sur le pays de Redon. Après notre idée de base c’était aussi de proposer un outil sans publicités avec une confidentialité et une sécurité des données personnelles des utilisateurs. Là-encore ce sont des questionnements qui étaient relativement peu présents à cette époque. Le lancement officiel aura finalement lieu en janvier 2008, relayé par une campagne de communication de la ville de Rennes.
Voilà pour l’historique, mais comment ça fonctionne exactement ?
Dans le réseau il y a à la fois des comptes perso qu’on appelle « les abeilles », puis des comptes « institutionnels » qui représentent des associations qu’on appelle « les ruches ». Le système est totalement ouvert, c'est-à-dire qu’on n’a pas besoin de s'enregistrer ou de s'identifier pour entrer sur le site, accéder à l'agenda, aux fiches événements, aux abeilles ou aux ruches ainsi qu'aux discussions publiques. Lorsque tu créés un compte, il n’y a aucune demande précise sur ton identité, âge, sexe... cela ne nous intéresse pas.
Au démarrage les fonctions sociales n’étaient pas très développées, il était seulement possible de prendre contact avec une abeille ou une ruche et de créer des évènements, mais on avait déjà intégré les fonctionnalités de géolocalisation. Chaque événement/abeille/ruche est géolocalisé sur une carte de Rennes et chacun est libre de choisir sa localisation.
On a mis du temps pour ajouter des nouvelles fonctionnalités car l’association fonctionne sur un modèle économique mixte : une partie du financement vient du secteur public sur des projets bien définis et le reste vient de nos prestations. Ce n’est qu’un an plus tard qu’on intégrera les fonctions de groupes de discussions, mais depuis 2010 on a franchi un nouveau cap en termes d’innovation puisque l’outil est devenu disponible en réalité augmentée* avant la mise en ligne d’une version mobile en février 2011 par le biais de l’appel à projets Proxima Mobile.
Après bientôt 4 ans d’existence, avez-vous des éléments pour évaluer l’impact du projet ?
Aujourd’hui on compte à peu près 2500 abeilles et environ 600 ruches, voilà pour le quantitatif mais ce n’est pas ce qui nous intéresse le plus. Derrière ce projet on voulait mettre en place une nouvelle forme de navigation sur le web, où l’on peut se promener dans la ville à la rencontre des autres. L’objectif ce n’est pas de rester dans le virtuel mais bien de créer les connexions dans le réel dans une perspective de lien social ! C’est d’ailleurs pour ça qu’on organise régulièrement des « apéruches » qui permettent aux gens de se rencontrer pour échanger sur les usages du numériques ou d’autres thèmes.
On a fait une étude en 2010 et on s’est rendu compte que beaucoup d’abeilles sont soit de nouveaux arrivants sur le territoire, soit des publics isolés tels que les familles monoparentales. Côté assos, on constate que La Ruche permet aux petites structures d’avoir un service gratuit pour communiquer, se faire connaître. BUG pilote aussi un annuaire en ligne des média et annuaire consacré aux associations rennaises (www.assorennes.org) mais les petites assos « sous le radar » des collectivités n’y figurent pas car elles sont difficiles à capter. La Ruche s’inscrit dans une démarche complémentaire et forcément il a fallu faire un travail de sensibilisation pour faire grossir la communauté des utilisateurs. C’est notre légitimité sur le secteur, après 15 ans d’existence, et le fait que nous sommes à côté de l’institution (Rennes Métropole) qui a créé cette relation de confiance avec eux.
Et pour l’avenir ? Prévoyez-vous de polliniser d’autres territoires ?
Bien sûr ! Ca fait déjà deux ans que la Ruche s’est étendue au Pays de Brest, avec le soutien de la ville et nous travaillons maintenant sur un déploiement du réseau au niveau régional car la Région Bretagne souhaite s’impliquer dans la démarche ! BUG aura donc une position d’animateur du territoire pour soutenir et accompagner le développement du futur réseau régional qui s’appellera « La Prairie ». Le fait que la plateforme technique sur laquelle est construit le réseau soit en Open Source va grandement faciliter cette extension. Pour le moment elle n’est pas encore disponible au téléchargement mais notre ambition reste que d’autres territoires puissent réutiliser le travail que nous avons fournis pour créer leur propre réseau.
C’est tout ce que nous vous souhaitons! Le sens de votre démarche et cette volonté de localisation du web sont plus que jamais d’actualité. Nous suivrons avec grand intérêt la croissance de la Prairie. Merci beaucoup Régis pour ce témoignage.
Propos recueillis par Vincent Blanchard, ancien responsable du programme Solidatech.
En savoir plus :
Le site internet de l'association BUG
Les sites internet du Lab Fab, du Wiki-Rennes et du SMS Wall